Bourges et son histoire
Le site de Bourges a bénéficié d’une position privilégiée au sud de la Loire et sur un axe est-ouest qui, depuis
l’Age du Fer, a toujours été celui des échanges commerciaux européens.
Lorsque César assiège la cité des gaulois Bituriges en 52 avant J.C., celle-ci est désignée comme « la plus
belle, ou peu s’en faut de toute la Gaule ». Cet oppidum entouré de remparts, de marais et de rivières (l’Auron
et l’Yèvre) est pourtant conquis par les romains et prend le nom d’Avaricum. La ville se développe en suivant
un schéma d’urbanisme romain, doté d’édifices monumentaux, mais dépourvu de système défensif.
L’enceinte construite au milieu du IVe siècle, conditionne durablement la topographie urbaine, délimitant une
ville basse et une ville haute. Saint Ursin aurait été le fondateur de l’Eglise de Biturigas (cité des Bituriges)
qui devient durant l’Antiquité tardive une grande métropole religieuse dont les évêques sont primats
d’Aquitaine.
Bourges est rattachée au domaine royal en 1100, c’est alors la seule ville du royaume située au sud de la
Loire, toute proche des possessions Plantagenêt. Face à cette menace, Louis VII et Philippe-Auguste font
édifier une deuxième enceinte qui englobe une grande partie de la ville basse, celle-ci s’étant
considérablement étendue au cours du XIIe siècle.
La cathédrale Saint-Etienne reconstruite dans le nouveau style gothique à partir de 1195, à l’initiative de
l’archevêque Henry de Sully, affirme le prestige du monarque capétien.
Au XIVe siècle, le duché de Berry est érigé en apanage pour Jean de France, fils de Jean le Bon et frère de
Charles V. Le duc de Berry, fastueux mécène, fait édifier un palais et une Sainte Chapelle et attire dans la ville
architectes et artistes. Charles VII en recueille l’héritage lorsqu’il installe à Bourges la capitale de son petit
royaume d’où Jacques Cœur, le célèbre argentier du roi, établit les bases de son fructueux commerce.
La ville est à son apogée sous le règne de Louis XI qui fonde l’Université de Bourges ; il est sur le point
d’accorder deux grandes foires par an à la ville lorsqu’éclate, en 1487, le grand incendie de la Madeleine. Les
deux tiers de la ville sont détruits, provoquant la reconstruction de nombreuses maisons en pan de bois et la
création d’un hôtel des échevins, qui s’implante comme la plupart des édifices de prestige sur les fondations
de la muraille gallo-romaine.
Malgré la renommée de son Université, Bourges connaît un relatif déclin et devient à partir du XVIe siècle le
chef-lieu d’une intendance axée sur l’agriculture et l’élevage du mouton.
Le dynamisme reprend à partir de 1850 : le percement du canal de Berry et l’arrivée du chemin de fer sont
des éléments propices à l’installation de grosses industries telles les fonderies de Mazières, puis les
Etablissements militaires. A proximité de ces nouvelles usines, naissent des quartiers ouvriers qui investissent
le sud et l’est de la ville, au-delà de l’enceinte médiévale remplacée par des boulevards.
La première moitié du XXe siècle est marquée par le plan d’aménagement et d’extension, premier document
d’urbanisme raisonné (approuvé en 1932) qui comprend la création de nombreux équipements collectifs et de
cités-jardins.
Les années soixante voient la naissance d’un très grand quartier et d’une Z.U.P, au-delà de la voie ferrée et
des marais, au nord de la ville tandis qu’est mise en oeuvre, dès 1965, l’étude d’un secteur sauvegardé de 64
ha sur le centre historique. Vingt ans plus tard, la création du lac d’Auron au sud est accompagnée d’une
Z.A.C comprenant de nombreuses maisons individuelles.
La première agglomération connue sur le site de Bourges apparaît dans la seconde
moitié du VIe siècle avant J.C. Durant le siècle suivant, elle est un carrefour où se
croisent les influences continentale, atlantique et méditerranéenne. Les découvertes de
vases attiques et de vases en bronze d’origine italique témoignent des liens étroits
entretenus avec les puissances grecque et étrusque.
Protohistoire
L'Antiquité
Au cours des Ier et IIe siècles, Avaricum, importante cité gallo-romaine, s’étend sur
une superficie d’environ 100 ha, débordant largement le promontoire. Le réseau viaire,
encore visible dans le tracé des rues actuelles est mis en place, accompagné par la
construction d’équipements publics comme l’amphithéâtre (dont l'emprise au sol
restera marquée par une place jusqu’à aujourd’hui) ou des thermes. A l'entrée ouest de
la ville, la déclivité du plateau est aménagée pour créer une succession de terrasses
portées par des murs de soutènements ; l’implantation d’un portique à arcades et d’une
fontaine publique monumentalisent cet accès à la ville par la voie d’Aquitaine.
Le mur d'enceinte du IVe siècle enferme la ville haute, réduite à 25 ha. D’une
cinquantaine de tours et des quatre portes, subsistent des vestiges visibles entre autre
sur la Promenade des Remparts, derrière la mairie et au soubassement du palais
Jacques Cœur.
Ciste d’origine étrsuque ,
musée du Berry
Vue en coupe de l’aqueduc
de Traslay, Jules
Dumoutet.
Les
fondations
du
rempart
gallo-romain,
faites
de
gros
blocs
d’appareil
pierre
de
taille,
atteignent
six
à
huit
mètres
de
largeur
à
la
base
;
le
mur
élévation
a
trois
mètres d’épaisseur.
Les
parements
sont
construits
en
petit
appareil
de
moellons
cubiques
avec
cl
nages
de
briques.
Les
altérations
de
cet
appareillage
caractéristique
de
I’époque
romaine
sont
nombreuses,
tant
le
rempart
a
subi
de
restaurations
jusqu’à
désaffectation
au
XIIe
siècle.
Par
la
suite,
la
puissante
maçonnerie
du
mur
antique
sert
d’assise
aux
édifices
qui
se
succèdent
époque
après
époque
jusqu’à
aujourd’hui.
On
distingue
ainsi les vestiges de maisons romanes, gothiques... (ouvertures obturées).
La Promenade des
remparts, les vestiges de
l’enceinte sont
parfaitement visibles.
Si l’habitat de la période du Haut Moyen Age nous est inconnu, les textes
attestent la fondation de basiliques funéraires construites hors les murs,
proches de nécropoles antiques ou des voies d’accès à la ville ; Saint-
Oûtrille, Saint-Sulpice, Saint-Ambroix donneront naissance à des bourgs
monastiques. Intra muros, sont fondés les monastères de Notre-Dame de
Salles, Notre-Dame de Montermoyen, Saint-Pierre-le-Puellier, Saint-
Laurent, dont les noms se retrouvent tout au long de l’histoire de Bourges.
Au XIIe siècle, période d’expansion économique et démographique, les
constructions s'intensifient, des paroisses urbaines sont créées, englobées
dans la nouvelle enceinte. Celle-ci est verrouillée au sud est par la "Grosse
Tour", prototype des donjons urbains de Philippe-Auguste (son soubassement est
encore visible sous la nouvelle mairie).
Sur l’emplacement de l’ecclesia primitive, la cathédrale Saint-Etienne est reconstruite.
Son plan à cinq nefs sans transept et son parti architectural original la distinguent des
cathédrales du début du XIIIe siècle. D’autres critères, comme ses portails sculptés et
un ensemble remarquable de vitraux des XIIIe et XVe siècles lui ont valu son
inscription sur la liste du patrimoine de l'UNESCO en 1992.
Le Moyen Age
Après le grand incendie de 1487, le corps municipal choisit un emplacement sur la
muraille gallo-romaine pour faire construire cet hôtel de ville.
Suivant un thème architectural hérité de l'hôtel Jacques Coeur, la tour d'escalier est
mise en valeur par le décor sculpté et les fausses fenêtres à personnages (ici des
sergents).
Des constructions entreprises par Jean de Berry, palais ducal et Sainte-Chapelle (sur
le modèle de celle de Paris), seule est conservée la partie médiane du palais qui abritait
les « salles à parer ». Certains artistes venus à Bourges au temps Jean de Berry sont
encore actifs vers le milieu du XVe siècle et travaillent au chantier de construction de
la "Grant maison" de Jacques Cœur.
.
Parfaitement conservé, cet édifice entièrement gothique anticipe par son plan sur les
hôtels particuliers de la Renaissance et adopte une distribution fonctionnelle ainsi que
des éléments d'hygiène et de confort peu communs dans les demeures seigneuriales de
cette époque. Le décor sculpté évoque entre autre les voyages et le commerce de
Jacques Cœur.
Le chantier de la reconstruction de la tour nord de la cathédrale (effondrée en 1505)
amène à Bourges de nombreux artistes et notamment les maîtres-maçons travaillant
sur les chantiers royaux (Colin Biard, Jean Chesneau). Ceux-ci restent cependant
fidèles à la tradition gothique de même que pour l’Hôtel-Dieu construit à cette époque
(en cours de réhabilitation).
La Renaissance
Au XVIe siècle, l'Université de Bourges est très renommée et attire des professeurs et des
étudiants venus de toute l'Europe.
Succédant à deux maisons détruites par les incendies de 1467 et 1487, l’actuel hôtel
Lallemant a été construit autour de 1500.
Sa situation sur la muraille gallo-romaine explique le passage incliné reliant la cour
basse (donnant rue Bourbonnoux) à la cour haute qui était à l’origine l’entrée principale
(rue de l’Hôtel Lallemant).
La famille Lallemant, installée à Bourges depuis deux siècles, appartenait à l’élite
cultivée de stemps, un milieu de financiers en relation avec les artistes italiens.
La majeure partie du décor sculpté est une manifestation précoce (1506) de la
Renaissance en France : oves, rinceaux, candélabres...
D’exceptionnels motifs emblémati-ques ornent également l’intérieur de cet hôtel.
Actuellement Musée des Arts déco-ratifs, l’hôtel Lallemant présente mobilier,
tapisseries, peintures et objets d’art du XVIe au XVIIIe siècle.
En revanche, l'hôtel Cujas (actuel musée du Berry), construit vers 1515, reste gothique
dans sa composition et son décor : seuls quelques médaillons témoignent de l'influence
italienne.
Cet
hôtel
a
été
construit
au
début
du
XVle
siècle
pour
Durand
Salvi,
marchand
florentin,
mais
il
porte
le
nom
de
Jacques
Cujas,
régent
de
l’université
de
droit
à
Bourges, qui l’a habité plus tard.
Malgré
l’origine
italienne
du
premier
propriétaire,
cet
hôtel
est
encore
d’inspiration
gothique
(hormis
les
médaillons
et
les
coquilles
Renaissance).
Son
origina
-
lité
réside
surtout
dans
l’appareil
polychrome
brique
et
pierre
employé
pour
les
façades
de
la
cour. Depuis la fin du XlXe siècle, l’hôtel Cujas abrite le musée du Berry
Malgré son déclin à cette époque, la ville conserve un dynamisme dans la création
architecturale. Le maître-maçon berruyer Jean Lejuge réalise la galerie de l'hôtel des
Echevins, des hôtels particuliers ainsi que des édifices religieux qui s'implantent dans
le cadre de la Contre-Réforme ou qui sont reconstruits après les guerres de religion.
XVII-XVIIIe siècles
Le jardin de l'Archevêché a été projeté par l'archevêque de Bourges, Michel
Phélyppeaux de la vrillière, pour accompagner la façade monumentale de son nouveau
palais. Les travaux de terrassement sont terminés vers 1730.
Ce jardin comprend deux parterres carrés séparés par une allée ; aux angles, les vases
de Cugnot figurent les allégories des saisons. La partie sud est aménagée en parc avec
un bassin central et un kiosque à musique du début du XXe siècle.
Le Grand Séminaire de Bourges (actuel centre administratif Condé) a été construit à la
fin du XVIIe siècle. L'architecte Pierre Bullet est l'auteur des plans. Le décor sculpté
du bâtiment principal reste inachevé.
Le portail donnant sur la rue Victor Hugo (vers 1740) est ouvert dans un corps
concave, à la manière de certains hôtels parisiens pour faciliter I'entrée des voitures à
cheval.
Comme d'autres congrégations religieuses issues de la Contre-Réforme, les soeurs
Ursulines se sont établies à Bourges au XVII" siècle. Leur couvent a été construit sur
une vaste parcelle de terrain située entre la rue des Arènes et la place de la Nation.
Les bâtiments s'organisaient autour d'une cour carrée l'aile qui subsiste est due à Joseph
Lingré, appelé à Bourges pour terminer l'archevêché. La chapelle édifiée vers 1700 par
le même architecte est moins austère dans son ornementation : la façade est de style
classique, l'étage est encadré de pilastres ioniques.
Occupés par le Grand Séminaire au XIXe siècle, les bâtiments accueillent depuis 1913
les services judiciaires.
A la fin du XVIIe siècle, Monseigneur Phélyppeaux de la Vrillère, archevêque de
Bourges, commande à l'architecte parisien Pierre Bullet un projet grandiose de palais
archiépiscopal dont une seule aile, déjà imposante, a été construite.
XIXe siècle
La Halle au Blé, achevée en 1836, avec son architecture modulaire et répétitive, est
représentative de ce type d'édifices conçus pour contrôler la vente du grain tout en respectant
des règles d'hygiène.
Des abattoirs municipaux (détruits), formaient avec cette halle, un complexe agricole et
commercial, situé à proximité du canal de Berry.
A la fin du XIXe siècle, la population de Bourges atteint 45 000 habitants (il y en avait 15000 en
1815). Des groupes scolaires sont construits après les lois de Jules Ferry (Auron, Chertier,
Barbès). Des lotissements d'habitations ouvrières apparaissent dans les nouveaux quartiers tandis
qu'un habitat bourgeois de qualité reste concentré au centre de la ville (rue Moyenne, boulevard
de Strasbourg).
Avec la IIIème République, un grand programme d'urbanisme est mis en place par la
municipalité. Des boulevards sont percés pour relier la gare aux établissements militaires et
aux nouveaux quartiers de la ville.
La création de nouvelles voies de communication (canal de Berry, chemin de fer) permettent,
dans la première moitié du siècle, un désenclavement de la ville qui sort peu à peu de sa
"torpeur provinciale".
Vers le milieu du siècle, les fonderies de Mazières s'implantent à Bourges à l'initiative du marquis
de Vogüe qui fait construire à proximité de son usine une cité ouvrière pourvue d'équipements
collectifs.
Sous le second Empire, un complexe d'armement s'installe à l'est de la ville. Il comprend un
arsenal, une école de pyrotechnie et une fonderie de canons dont le fronton est sculpté d'armes
et de trophées.
Les équipements collectifs suivent cette expansion démographique : le château d’eau, la halle
Saint-Bonnet (marché couvert construit sur le modèle des halles centrales de Baltard), l’Ecole
Nationale des Arts appliqués à l'Industrie (détruite en 1976), ainsi que des banques et des
grands magasins rue Moyenne.
XXe siècle
Durant l'entre-deux guerres, la physionomie de la ville se modifie considérablement :
le jardin des Prés-Fichaux avec sa statuaire Art-Déco est aménagé à l'emplacement
d'anciens marécages.
La salle des fêtes (future Maison de la Culture de Bourges) avec son architecture de
briques rythmée de grandes baies verticales et le Muséum d'Histoire Naturelle sont les
premiers équipements culturels de la ville.
Des cités-jardins (Moulon, Aéroport, Fonds Gaidons) sont construites à la périphérie
de la ville où des églises néo-romanes ou néo-gothiques utilisant le béton armé
s'implantent (Saint-Henri, Sainte-Barbe, Sacré-cœur).
Dans ce contexte de progrès et de modernité, l'hôtel des postes néogothique (inauguré
en 1926), paraît anachronique.
Après la deuxième guerre mondiale, la crise du logement sévit à Bourges de manière
aiguë. Les grands ensembles de la Z.U.P Chancellerie/Gibjoncs voient le jour au nord
de la ville à partir de 1960.
L’architecture de la fin du XXe siècle est représentée par des équipements collectifs
importants : nouvel hôtel de ville, médiathèque, centre hospitalier et école
d'ingénieurs.